L’accélération du réchauffement climatique impose de prendre au cours du mandat présidentiel qui vient les décisions essentielles pour réussir la transition écologique.

La question des mobilités a été à l’origine du mouvement des Gilets Jaunes, et l’absence de solutions transports crédibles hors des agglomérations pour les mobilités du quotidien est apparue au grand jour.

La difficulté essentielle, mise en évidence alors, se situe en effet dans les couronnes périurbaines des agglomérations qui se sont développées de façon continue depuis les années 70. Elles sont  le refuge de ceux  pour qui l’immobilier est devenu inaccessible dans le cœur des villes. La voiture est souvent la seule solution pour s’y déplacer. Le vote protestataire y est fort.

A l’exception notable de l’Ile-de-France, ces territoires périurbains sont mal desservis par le train qui n’offre pas les fréquences, l’amplitude et la finesse de desserte nécessaires pour répondre aux besoins. Quelles solutions alors pour les quelque 15 millions de Français qui y vivent?

La Loi d’Orientation des Mobilités a esquissé en 2019 pour la première fois une réponse avec la notion de Réseaux Express Métropolitains, appelés aussi RER métropolitains. Il s’agit de mettre en place des services ferrés cadencés traversant de part en part les territoires  urbains et périurbains, et ce à partir des réseaux ferroviaires en étoile des agglomérations.  Des services avec des cadences élevées, le plus souvent le quart d’heure à la pointe, des lignes diamétrales, des plages de service larges, des gares qui deviennent des pôles d’échanges, des abonnements forfaitaires et multimodaux simples d’usage. Une voie déjà explorée en Ile-de-France, mais aussi dans de nombreuses métropoles ou nébuleuses périurbaines en Europe. En Allemagne par exemple, où, depuis les années 50 et 60, 12 réseaux S-Bahn ont été aménagés qui sont pour beaucoup dans la structuration du développement urbain. Ou encore en Espagne, où 14 réseaux Cercanias de banlieue ont été mis en place depuis les années 80. Dans les pays nordiques bien sûr. En Suisse..

De tels transports de masse orientent la structuration économique et urbaine des territoires. Ils servent aussi de fil d’Ariane pour rabattre les autres modes de transports : les autobus et les autocars mais aussi la voiture, et de plus en plus le vélo qui trouve là un point d’appui important pour son développement dans le périurbain.

Une étude confiée à SNCF Réseau publiée fin 2020 a confirmé l’intérêt du concept. 22 sites potentiels ont ainsi été recensés, mais hormis Bordeaux et Strasbourg, peu d’agglomérations s’engagent réellement dans cette direction. En attribuer la cause à la relance récente du programme TGV éluderait les causes profondes des réserves rencontrées.

En effet, les RER métropolitains sont des projets d’ampleur au regard des ressources financières mobilisables dans les agglomérations. Il s’agit aussi de projets complexes, en interaction avec les autres activités ferroviaires, où la collectivité pilote doit être à l’abri d’arbitrages fluctuants du gestionnaire du réseau ferroviaire. Un appui fort de l’Etat est donc nécessaire.

Les parallèles allemand et espagnol sont instructifs : dans ces pays bien plus décentralisés que nous, la mise en place des RER fut d’abord le résultat d’une forte volonté politique nationale. En Allemagne, l’Etat fédéral a financé à 80 % les travaux de l’infrastructure.

Le quinquennat qui s’achève a créé, avec la réforme ferroviaire et la LOM, un environnement juridique et économique plus favorable pour le développement de tels projets : il importe maintenant de poursuivre et d’amplifier la démarche, et d’engager un programme national de mise en place des RER métropolitains. Ce programme servira de boussole pour le développement des transports publics du quotidien en région, pour qu’ils touchent d’ici 2035/2040 le plus grand nombre de nos compatriotes.

Deux conditions sont essentielles pour réussir un tel programme :  

  • La mise en place de ressources financières nouvelles à disposition des autorités métropolitaines, comme on a su le faire en Ile-de-France pour le métro du Grand Paris,
  • La sécurisation par l’Etat de l’engagement des agglomérations, sur le plan technique et financier, sous le contrôle de l’autorité de régulation des transports.

Un tel panorama serait incomplet sans évoquer l’Ile-de-France : ici le premier réseau RER européen avec 4 millions de franciliens transportés chaque jour a fait ses preuves. Mais le système est aujourd’hui saturé et le niveau de service a reculé. Les lignes RER B et D partagent le même tunnel central, ce qui plafonne leur capacité alors que leur trafic explose. Les difficultés de pilotage entre les différents acteurs sont récurrentes. Pis, on n’entrevoit pas d’amélioration avant la fin de la décennie. Une situation critique qui appelle la définition d’un nouveau cap par l’Etat visant une désaturation durable des RER franciliens, comme il l’a fait au cours du quinquennat écoulé avec le métro du Grand Paris.

Une impulsion nationale d’ampleur est donc nécessaire pour les réseaux ferroviaires du quotidien au cours du quinquennat à venir. Elle s’ajoute à ce qui a déjà été réalisé au cours du présent quinquennat : le désendettement de la SNCF, la réforme ferroviaire et la modernisation des petites lignes. C’est une double nécessité, pour l’unité sociale et territoriale de notre pays et pour la transition écologique. L’ampleur de l’effort nécessaire est à la hauteur des décennies de désintérêt pour les transports du quotidien et de décisions différées. Le nouveau pacte ferroviaire qui résulte de la réforme de 2018 le rend enfin possible.

 

Jean-Claude DEGAND

Délégué National Transports et Mobilités de Territoires de Progrès

Ancien directeur du périurbain de la SNCF et créateur de Moviken

Source SNCF Réseau

Fig 1 Schéma d’un RER métropolitain       

Fig 2 Sites potentiels de RER métropolitains